Site web du projet d’édition critique des Annales de Flodoard de Reims (919-966)

Les Annales de Flodoard de Reims (919-966)


Précieuses à l’historien, les Annales de Flodoard constituent une source narrative contemporaine unique, traitant surtout de la Francie occidentale et de la Lotharingie. Fidèle au genre annalistique et à la tradition des annales majeures carolingiennes, l'auteur rapporte année après année les événements contemporains de sa vie sur une période s'échelonnant de 919 à 966. Le chanoine et prêtre de l'église de Reims s'efforce de suivre un ordre chronologique, en commençant ses paragraphes annuels préférentiellement à Noël, et il use, selon la loi du genre, d'un style littéraire peu élaboré[1].

Les arguments émis au sujet d’une hypothétique lacune antérieure à 919 sont sans fondement[2], et Flodoard n’a visiblement entrepris sa rédaction qu’au cours de l’année 922, en rapportant les années 919 à 921 de manière rétrospective. En initiant son œuvre, Flodoard s'est appliqué à rapporter les étapes ayant conduit à la destitution et à l'emprisonnement du roi carolingien Charles le Simple (893-923), ainsi qu'aux élections et sacres royaux des comtes Robert de Neustrie (922-923) et Raoul de Bourgogne (923-936). Tout en narrant les faits importants relatifs au royaume de Francie occidentale, il rapporte également les événements marquants liés à la crise de l'église de Reims depuis la mort de Séulf jusqu'au concile d'Ingelheim (925-948)[3].

À partir de 926, chaque année est marquée de caractères grecs indiquant l’âge de l’historien, et non l’ère byzantine comme l'avait supposé Philippe Lauer[4].

La tradition textuelle se partage en deux principales familles de manuscrits. En absence d'exemplaire original, le ms de Montpellier reste le meilleur témoin de la version primitive du texte[5]. Tous les autres manuscrits dérivent de la version laonnoise remaniée : ils comportent des additions et des remaniements imputables à deux auteurs distincts, contemporains de Flodoard. Le premier a ajouté en tête des Annales un obit de l'empereur Charles le Chauve (a. 877), sans doute tiré du Nécrologe de Faremoutiers, et, à la fin, un obit de Flodoard, prêtre (presbiter) de Reims (a. 966) : la date du 28 mars, donnée ici, correspond au témoignage du Nécrologe de l’Église de Reims, lequel signale deux Flodoard, morts l’un un 28 mars et l’autre, vraisemblablement le neveu de notre auteur, un 17 mai. Il pourrait s’agir d’additions dues à l’évêque Roricon de Laon (949-976). Le second auteur, identifié à l’évêque Adalbéron de Laon (977-c. 1031), a réalisé une continuation du texte de Flodoard sur la période 976-978. Ce continuateur semble être le responsable des remaniements et des additions apparaissant dans le corps du texte[6].

Cet ouvrage de Flodoard a été connu et utilisé par divers auteurs médiévaux, à commencer par Flodoard lui-même (Historia Remensis Ecclesiae), Artaud de Reims (Libelle d’Ingelheim), Adalbéron de Laon (remaniement et continuation), Richer de Reims (Histoires), Dudon de Saint-Quentin (Geste des Normands), un chroniqueur d’Angers (sans doute l’archidiacre Renaud), Hugues de Flavigny et Hugues de Fleury. Un temps oublié, ce texte fut redécouvert par les érudits de la fin du XVIe et du XVIIe siècles (en particulier Nicolas Vignier, Pierre Pithou, Jean Papire Masson, Alphonse Delbène, Nicolas Fabri de Peiresc, Gérard-Jean Vossius, André Duchesne, Pierre-François Chifflet, etc.)[7].

« Rédacteur passionné, voire partial, Flodoard appartient assurément à un clan politique : c’est un homme de son temps, engagé dans une problématique qu’il a choisi de rapporter. Il nous donne ainsi une version cléricale, rémoise, franque, voire robertienne, des événements »[8].


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sur les Annales de Flodoard (PDF)

1. SOT, 1993, p. 83-87 (en particulier p. 86-87) ; BRICOUT - LECOUTEUX - POIREL, 2010, FLOD1 (à paraître).
2. LECOUTEUX, 2007, p. 182-209.
3. LECOUTEUX, 2010, p. 51-121 [Cairn] et 283-317 [Cairn].
4. FOERSTER, 1944, p. 156 ; JACOBSEN, 1978, p. 13-14 [Google books] et 22-23 [Google books] ; SOT, 1993, p. 46-47 et 86 ; LECOUTEUX, 2007, p. 202-205. Philippe Lauer s'est fait avantageusement connaître au début de sa carrière grâce aux démonstrations argumentées qu'il fit en faveur de deux hypothèses (à savoir la théorie de lacune des Annales de Flodoard et la théorie de la numérotation grecque représentant l'ère byzantine) : [Persée] ; nous savons aujourd'hui que l'une et l'autre étaient en réalité erronées et infondées.
5. LAWO, 2001, p. 81-87 ; LECOUTEUX, 2007, p. 206 ; LECOUTEUX, 2010, p. 52 n. 5 [Cairn]. Ces travaux révèlent que les études de Camille COUDERC (1895, 1897) sur les manuscrits et le stemma des Annales de Flodoard sont plus exactes que celles proposées par Philippe LAUER (1897, 1898, 1905-6).
6. LECOUTEUX, 2004, p. 1-38 [Tabularia] ; LECOUTEUX, 2005 [Tabularia].
7. BRICOUT - LECOUTEUX - POIREL, 2010, FLOD1 (à paraître), ainsi que les articles à paraître sur les diffusions et les réceptions médiévales, et modernes, des Annales de Flodoard.
8. LECOUTEUX, 2010, p. 308-317 (ici p. 313-314) [Cairn].